À Saint-Brieuc, le Père Noël sur son 31
Depuis 20 ans, il cultive le rôle. Au point de pousser le personnage dans ses ultimes retranchements, et de faire du Père Noël un personnage plus vrai que nature et totalement vivant. Magique.
À Saint-Brieuc, le Père Noël a pris ses quartiers depuis la fin du mois de novembre. À l’invitation de l’Union des commerçants, il prend la pose, toujours disponible – bien qu’un rendez-vous soit préférable – pour une photo traditionnelle.
En compagnie des plus jeunes et de ses mascottes : l’ours bipolaire et Ralph, le renne.
« Sauf que, cette année, Jean Castex et ses annonces ont failli tuer Noël ! Il a fallu que je m’adapte en urgence, sinon c’était mort ».
La magie des effets spéciaux
Compliqué, en effet, que de monter sur le traîneau avec ses modèles d’un jour, en respectant scrupuleusement la distanciation et les préconisations sanitaires…
« Et franchement, le Père Noël avec un masque, ça a l’air de quoi sur une photo ? »
C’est en se grattant sous le bonnet que le Père Noël a trouvé la solution.
« À mon grand âge, il y a des choses que l’on maîtrise, y compris et contrairement aux idées reçues, les dernières technologies.
La solution, c’était le fond vert et les effets spéciaux, comme au cinéma. Les enfants montent sur le traîneau, et je me tiens loin pour prendre la photo. Ils peuvent voir le résultat sur l’écran devant eux. Grâce à l’informatique, je me retrouve incrusté sur le cliché.
C’est magique, mais c’est normal : je suis le Père Noël, après tout ! »
Clopinettes et as de pique
Un Père Noël qu’il n’a pourtant pas toujours été.
« C’est arrivé il y a vingt ans. On ne naît pas Père Noël, on le devient, souvent par tradition familiale.
Moi, c’était par mon ex-Mère Noël. À l’époque, c’était elle qui tenait le rôle-titre, totalement convaincante. Le public oublie totalement l’humain derrière, il est totalement conditionné… »
Puis, il a enfilé le costume à son tour.
S’en sont suivies de nombreuses fins d’année festives. Et caritatives, les bénéfices de l’activité étant reversés à une association de formation de chiens d’assistance.
« On avait même une calèche, c’était fabuleux. Et on travaillait bien…
Car personne ne veut faire le Père Noël en public ! La plupart du temps, les candidats gagnent des clopinettes, pour être déguisés comme l’as de pique. Mais les enfants, qui se contentent de peu, sont contents, et les parents aussi, du coup ! »
Lui l’était de moins en moins. Car à force de passer la barbe, le réalisme est devenu une nécessité.
« Il y a quelques années, j’ai eu un accident de moto. Et sur mon lit d’hôpital, je me suis mis à faire une liste de tout ce qu’il me faudrait pour devenir le Père Noël parfait…
Quand j’ai tout additionné, il y a en avait pour 15 000 €.
Je suis allé voir le banquier et j’ai eu de la chance :
il a cru au Père Noël ! »
Un costume plein d’histoires
Le résultat est un costume où « chaque objet a une histoire à raconter ».
Comme celle du postiche :
« À force de coups de fil, de théâtre en costumier, de maquilleuse en régisseur, j’ai fini place Vendôme à Paris. En sous-sol, dans une sorte de trou de hobbit. Sur des étagères, il y avait des moulages de têtes. Rochefort, Gabin : tous les grands sont passés entre les mains de cette magicienne ».
L’habit, lui, est sur-mesure, adapté d’un uniforme de cavalier de la guerre de Sécession.
L’œuvre composé de gilet, pantalon, gilet brodé, veste doublée, capeline, cape et bonnets, ont été réalisés sur mes instructions grâce aux talents de deux stylistes et costumières.
Complété de chemise à jabot, gants blancs, lunettes de vue, lunettes d’aviateurs et grelots…
Les bottes sont faites à la main, dans en centre Bretagne.
La ceinture ? L’œuvre d’un bourrelier…
Abouti, alors, le Père Noël ?
« Disons que j’ai encore des idées. Et je voudrais aller en Russie, rencontrer Grand-papa Gel
et à New York !
Je suis sûr qu’un Père Noël frenchy y serait très bien reçu ».
En attendant, pas question de raccrocher.
Pour la liberté de parole :
« Le Père Noël a le droit de dire n’importe quoi, à n’importe qui. Même des « horreurs », les gens rigolent ! Il a même le droit de ne pas être drôle. J’ai dû tester toutes les blagues Carambar qui existent… »
Il y a l’un et l’autre
Pour la satisfaction d’être reconnu pour ce qu’il fait, aussi :
« Cherchez le nombre de fois où on vous fait un compliment dans la vie… (sourire) ».
Et d’ici le 24 décembre, la « cohabitation » va continuer. Facilement ?
« Bien sûr ! Il y a moi et il y a lui. Mais on fait très bien la différence entre l’un et l’autre.
Je pense que c’est ce que vivent les acteurs : Au moment où j’enfile mon postiche, je ne réponds plus à mon vrai prénom ! »
Et quel est-il, alors, ce prénom ?
« Santa, bien sûr ! Ho, ho, ho ! »
Nicolas Salles
letelegramme.fr
Publié le 21 décembre 2021 à 18h12